Fashion Week salamandrine

Dimanche dernier, petite sortie nocturne et pluvieuse en forêt d’Argonne. Les salamandres étaient au rendez-vous et ont offert un captivant défilé de motifs et de taches noirs et jaunes.

Leur tenue contrastée et fort voyante avertit les éventuels prédateurs de leur toxicité. La salamandre tachetée est couverte d’un mucus toxique et, en cas de danger, ses glandes secrètent des alcaloïdes capables d’affecter la moelle épinière et le système nerveux s’ils sont ingérés.

Stressé, l’animal baisse la tête puis se fige en prenant soin de présenter ses glandes à venin, gonflées, situées à l’arrière des yeux.

La disposition et la forme des tâches varient plus ou moins subtilement d’une salamandre à l’autre. Autrement dit, chaque robe colorée est unique et permet de reconnaître chaque individu. C’est parti pour le défilé…

Sous les yeux de la chevêche

Après une nuit de gel intense (- 10 °C), le soleil radieux nous invite à braver le froid pour admirer le paysage redessiné par quelques centimètres de neige. La mare du verger semble complètement figée.

Plus loin dans le village, une chouette à peine plus grosse qu’un merle nous dévisage depuis son poste de guet. Perchée sur la cheminée d’une maison inhabitée, elle semble se réchauffer au soleil. Son nom ? La chevêche d’Athéna, un rapace nocturne typiquement rural.

Avec son regard expressif, souligné par d’épais sourcils blancs, elle suit le moindre de nos mouvements. Que peut-elle bien manger par ce temps glacial ? Tout est congelé ! Nous continuons notre chemin pour ne pas l’inquiéter davantage.

Démente, la mante !

Comme chaque année, je fauche certaines parties du verger pour y créer un petit circuit. De nombreuses sauterelles prennent leur envol devant moi. Pourtant, ces sauterelles-là semblent particulières.

Et pour cause : ce sont des mantes religieuses. Plusieurs mâles reconnaissables à leur silhouette élancée s’enfuient maladroitement. Je n’en ai jamais vu autant. Leurs pattes avant ravisseuses, bardées de pics, signalent leur statut de petits prédateurs carnivores.

Bien qu’elle joigne ses pattes tel un paroissien faisant une prière, la mante religieuse n’est pas si pieuse. Le mâle y perd régulièrement la tête, parfois décapité puis dégusté par sa partenaire lors de l’accouplement ! À la fin de l’été, l’imposante femelle est prête à pondre : son abdomen est si lourd et gonflé qu’elle vole difficilement.

Le moment venu, elle produit une substance dont les propriétés rappellent nettement celle de la mousse expansive polyuréthane, et qui, en séchant, forme un étrange petit coffret compartimenté appelé oothèque.

En mai prochain, de minuscules mantes s’extirperont de leur étonnante boîte à œufs pour se disperser aux alentours. L’oothèque, elle, restera visible encore longtemps, parfaitement collée à son support : un arbuste, un piquet ou une pierre.

Le dernier cri de la grenouille

L’après-midi est suffocante, 31 °C ! Sachant cette météo idéale pour surprendre la couleuvre à collier dans l’eau, je m’approche de la mare quand un grincement bizarre, à demi étouffé, attire mon attention. Étrange : ce son est à la fois nouveau et familier. Un arbre ballotté par le vent ? Non, les branches alentour semblent figées par le soleil. Une grenouille enrouée ? Peut-être… Et puis, les voici, de l’autre côté, sur la berge : une couleuvre à collier helvétique tente d’avaler sa proie.

Les cris pareils à des S.O.S. provenaient bien d’une grenouille verte ! Ce serpent, sans doute ambitieux et affamé, a eu les yeux quasiment plus gros que le ventre. Étonnamment, ses mâchoires reliées à des ligaments élastiques s’écartent suffisamment pour laisser passer cette proie volumineuse. Gloups !

La couleuvre mettra du temps à engloutir son casse-croûte et plusieurs jours entiers à la digérer. Je la laisse à son affaire.

Le mois des morilles

Quelle surprise ce matin quand nous avons découvert plusieurs pieds de morilles coniques dans un coin du potager, dans notre champ de patates de l’année passée pour être précis !

Au premier coup d’œil, on comprend pourquoi ce capricieux champignon porte bien son nom. Il est souvent lié aux frênes et aux épicéas, deux types d’arbres présents sur notre terrain, avec lesquels il s’associe secrètement en sous-sol.

Fort de cette trouvaille, je parcours le verger yeux grands ouverts pour tomber cette fois sur une proche cousine plus claire, la morille blonde ou morille commune, à proximité des vieux pommiers (qu’elle apprécie aussi). Ces deux célèbres champignons alvéolés du mois d’avril sont savoureux mais, attention, toxiques crus.

L’été en automne avec les cèpes

Il y a quelques jours encore, le thermomètre affichait plus de 15°C au lever du soleil et près de 25°C en journée ! Ces températures incroyablement douces ainsi que les averses orageuses du mois d’octobre ont nettement favorisé les champignons. Les bois en regorgent de toutes formes et couleurs. C’est le grand déballage, notamment chez les comestibles les plus célèbres ! Après les cèpes de Bordeaux, d’autres bolets nobles apparaissent en quantité.

Cette vague de chaleur tardive semble avoir bouleversé l’ordre d’apparition des espèces puisque des cèpes d’été, habituellement bien nommés, se montrent en plein mois de novembre ! Plus clair, le cèpe d’été habille son pied enflé d’un maillage étendu contrairement à son cousin « bordelais » qui, lui, possède un réseau seulement au sommet de son pied, à l’ombre du chapeau.

Sous les chênes, des légions entières de cèpes bronzés percent le lit de feuilles mortes pour notre plus grand bonheur.

Ce champignon, plus connu dans les régions chaudes, est reconnaissable à son chapeau très foncé et à son pied fauve. Sa chair ferme et parfumée est encore plus recherchée que celle des autres cèpes. Ils seront au menu cet hiver !

Bien sûr, nous avons pris soin d’en laisser sur place pour ensemencer à nouveau la forêt.

La mésange au clair de lune

Cet été, une petite mésange charbonnière a choisi la vigne qui surplombe la terrasse comme chambre à coucher. Chaque soir, elle se glisse sous la même feuille, enfouit sa tête dans ses plumes et dort profondément. Même le flash de l’appareil photo ne la réveille pas.

À vrai dire, nous avons tenté de la déloger pour ne pas avoir à nettoyer ses fientes chaque matin, en pensant qu’avec tous les nichoirs, les arbres creux et les haies autour de la maison, elle trouverait facilement un autre dortoir. Mais Madame est têtue et reste fidèle au poste dès que le soleil disparaît à l’horizon. Finalement, nous nous sommes attachés à elle, au point de vérifier sa présence quotidiennement en lui souhaitant bonne nuit.

Un mille-pattes version F1

Ce mois-ci, tandis qu’une sévère sécheresse touche la région, nous avons observé pour la toute première fois dans la maison un étonnant animal plutôt méridional. La première rencontre a eu lieu dans la cave, la seconde, de nuit, dans notre cuisine.

Un étrange mille-pattes de 3-4 cm a détalé à une vitesse impressionnante. La scutigère véloce est capable de sprinter à 40 cm par seconde. Autant dire une formule 1 ! Elle était présente plutôt au sud de la Loire mais depuis plusieurs années, elle remonte vers le nord et la voici arrivée dans les Ardennes.

La scutigère est un prédateur très efficace des petites bestioles qui vivent sur les murs humides et dans les maisons. Araignées, cafards, mouches, cloportes, moustiques : tous figurent à son menu lors de ses rondes nocturnes.

Maître renard, sur un arbre perché…

…tenait en son bec un froma… Ah, mais non ! Ce n’est pas ce que raconte la célèbre fable de La Fontaine. C’est bien le corbeau qui est dans l’arbre normalement. Pourtant cette semaine, au bord de l’Aire, nous sommes tombés nez à nez avec un goupil confortablement installé au creux d’un vieux saule.

L’après-midi commençait à peine. Notre renard était en pleine sieste à plus de 2 mètres de hauteur, couché sur un replat du tronc, profitant des bienfaits du soleil après une nuit glaciale. L’animal dormait si profondément qu’il ne s’est pas réveillé à notre approche, somme toute assez bruyante (nous discutions à haute voix avant de l’avoir repéré). Nous aurions presque pu le toucher. À moins que le rusé mammifère ne se figeait volontairement pour passer inaperçu. En tout cas, ses yeux étaient clos et son museau s’enfonçait douillettement dans son pelage.

La caravane de mésanges à longue queue

Petite balade habituelle sur le chemin près de la maison. Arrivée à hauteur d’un buisson de fusains, d’épines noires et d’aubépines, une série de petits cris hauts perchés attirent mon attention tandis que les rameaux bardés de piquants semblent s’agiter. Sept ou huit minuscules oiseaux explorent le buisson de fond en comble.

Ce sont des mésanges à longue-queue, rebaptisées récemment orites à longue-queue. Qu’elles sont magnifiques avec leur silhouette dessinée toute en finesse et leur élégant plumage. Chaque hiver, elles vagabondent en caravane dans la campagne à la recherche de quelques bestioles à se mettre sous le bec.

Chaque individu garde le contact avec le voisin à l’aide de jolis petits cris incessants qui sont pour eux très rassurants : « t’es là ? Oui je suis là ! Et toi ça va ? »… Mais voilà déjà qu’un cri un peu plus strident et appuyé retentit. L’alerte est donnée, je suis repéré et la caravane passe…